La fortune

« La Fortune » de Giorgio Laveri : le mouvement éternel du destin en porcelaine

Avec La Fortune, Giorgio Laveri donne forme à l’un des symboles les plus puissants et ambigus du tarot de Marseille : la roue du destin. Cette œuvre de 32 x 18 cm, réalisée en porcelaine émaillée, conjugue la rigueur du dessin gestuel à l’éclat de la couleur pure, pour offrir une interprétation résolument contemporaine de l’arcane X. À suspendre ou à poser, cette pièce unique s’inscrit dans une série où l’artiste italien fait dialoguer tradition divinatoire et sculpture murale.

La Roue de Fortune est traditionnellement la carte du changement, de la rotation perpétuelle des cycles, de l’élévation aussi soudaine que la chute. Elle incarne le hasard, les opportunités, les tournants inattendus, mais aussi la fatalité et la loi de l’impermanence. Laveri choisit de conserver les trois figures animales emblématiques — l’ascension, la chute, et le trône — tout en stylisant leur forme dans une langue plastique minimaliste, presque totémique.

Les lignes noires, énergiques et volontairement imparfaites, confèrent à l’ensemble une vibration presque primitive. La roue, au centre, devient l’axe dynamique de la composition. Les couleurs, appliquées en aplats géométriques — rouge profond, jaune solaire, bleu ciel — créent une tension visuelle qui rappelle l’énergie brute du mouvement. Chaque teinte semble pointer un moment du cycle : le feu de l’action, la lumière de la révélation, ou l’introspection céleste.

La porcelaine, matière noble et fragile à la fois, devient ici le paradoxe parfait pour représenter l’instabilité du destin. Giorgio Laveri exploite les qualités tactiles et visuelles de ce matériau pour fixer dans le temps une image du mouvement. Suspendue sur un mur ou posée comme un objet rituel, la carte devient non seulement un objet de contemplation mais aussi un catalyseur symbolique : elle invite à accepter le changement, à lire dans les hasards des formes une logique secrète.

Contrairement à d’autres arcanes aux figures anthropomorphes, La Fortune parle de forces impersonnelles. Il n’y a ici ni héros, ni ennemi, ni guide : seulement des énergies en rotation. En cela, cette œuvre parle à l’inconscient collectif, au flux de la vie. L’artiste italien ne cherche pas à rassurer, mais à représenter. Il crée un objet d’art qui n’est pas figé dans une narration, mais ouvert à toutes les interprétations.

L’œuvre s’adresse autant aux collectionneurs d’art contemporain qu’aux amateurs d’ésotérisme, aux passionnés de tarot comme aux amateurs de design spirituel. Dans un intérieur moderne, une pièce dédiée à la méditation ou une collection privée, elle agit comme une présence silencieuse mais puissante. Elle rappelle que toute chose est en mouvement, et que dans le chaos apparent se dessine parfois un ordre supérieur.

Avec cette carte, Giorgio Laveri poursuit sa quête : sublimer le langage symbolique du tarot par la matière, la ligne et la couleur. La Fortune, arcane du mouvement perpétuel, devient ici une sculpture immobile... qui bouge dans l’œil et l’âme.