Le bateleur

« Le Bateleur » de Giorgio Laveri : la naissance de l’acte créateur

Avec Le Bateleur, Giorgio Laveri nous entraîne au seuil du mystère, à l’instant même où l’intuition se transforme en action. Cette carte de tarot en porcelaine de 32 x 18 cm n’est pas un simple objet décoratif : c’est une œuvre d’art à part entière, façonnée dans une matière noble, inscrite dans la tradition symbolique du tarot tout en s’ouvrant à une esthétique radicalement contemporaine.

Dans le tarot de Marseille, Le Bateleur est le premier des arcanes majeurs. Numéroté I, il incarne le début d’un cycle, le potentiel pur, le mouvement initial. Il est celui qui dispose des outils — coupe, denier, baguette, épée — sans encore savoir ce qu’il va en faire. Il hésite entre illusion et création, entre jeu et engagement. Giorgio Laveri s’empare de cette figure emblématique et en propose une version épurée, graphique, ancrée dans une modernité joyeuse et méditative.

Le trait noir vif, volontairement esquissé, semble avoir été tracé au fusain sur la porcelaine blanche. L’artiste joue ici avec une esthétique de la spontanéité maîtrisée, rappelant l’esprit du dessin automatique ou des gravures populaires. Les aplats de couleur — bleu ciel, vert olive et jaune citron — viennent structurer l’image et guider le regard. Le plateau jaune sur lequel repose la main du Bateleur est l’élément central de la composition. Il brille presque comme un autel, accueillant les objets du possible : dés, gobelet, lame, symbole du libre arbitre et de la création en devenir.

L’utilisation de la porcelaine donne à l’ensemble une douceur visuelle et tactile, tout en affirmant sa solidité artistique. Chaque pièce est émaillée et travaillée à la main, conférant à l’œuvre une unicité qui contraste avec les reproductions mécaniques habituelles des cartes de tarot. En choisissant ce matériau délicat et ancestral, Giorgio Laveri inscrit son travail dans une continuité artisanale précieuse, où le geste rejoint le sens.

Mais au-delà de sa technicité, Le Bateleur parle avant tout au regard et à l’âme. Suspendue à un mur ou posée sur une étagère, la carte devient un point d’ancrage symbolique. Elle évoque l’élan, la décision, l’énergie de commencer quelque chose de nouveau. Dans un monde où l’ésotérisme retrouve une place dans la vie contemporaine, cette œuvre se fait compagnon intérieur, miroir de l’intuition, catalyseur du changement.

Elle trouvera naturellement sa place chez un collectionneur de tarots, un passionné de céramique contemporaine ou dans un espace dédié à la méditation et au développement personnel. À la croisée de l’art, du design et du mysticisme, cette création est aussi une invitation à vivre pleinement son pouvoir de transformation.

Giorgio Laveri signe ici une œuvre qui dépasse le cadre de l’objet symbolique. Il transforme Le Bateleur en figure du créateur — celui qui, comme l’artiste lui-même, transforme des signes anciens en langage plastique nouveau. C’est une œuvre qui fait le lien entre le visible et l’invisible, entre la tradition et l’expérimentation, entre le hasard et la maîtrise.