Equus

Le mouvement suspendu : “Equus”, une ode à la liberté maîtrisée

Il existe des sculptures qui semblent tenir en équilibre sur un souffle, comme si le monde entier retenait sa respiration pour laisser une idée se matérialiser. Equus, œuvre marquante d’Artigas Planas, appartient à cette famille rare où la tension rencontre la grâce, où la poésie dialogue avec la maîtrise technique. Devant nous, un cheval en bronze et sa cavalière prennent place au sommet d’un large anneau de fer, dans un geste d’une fluidité si pure qu’il semble suspendu hors du temps.

Le cheval, orné d’une patine verte délicatement irisée, avance avec une douceur souveraine qui évoque les fresques antiques et les rêves de l’enfance. Ses pattes fines paraissent à peine toucher l’arc métallique, comme si l’animal évoluait dans un espace allégé de toute gravité. Ce n’est pas un destrier guerrier mais un compagnon, un guide serein dont la puissance s’est transformée en harmonie apaisée.

La cavalière — souple, élancée, indéniablement féminine — se penche vers l’avant dans une posture à la fois acrobatique et méditative. Un bras s’étire, une jambe s’élève derrière elle, dessinant une ligne de mouvement d’une grande élégance. Artigas Planas ne sculpte pas une conquérante, mais une danseuse. Une voyageuse en dialogue intime avec sa monture. Son geste, suspendu, exprime la recherche d’un équilibre fragile, cet instant parfait où tout pourrait basculer sans jamais tomber. Elle n’impose rien au cheval : elle l’écoute, elle s’accorde à lui, elle compose avec lui une chorégraphie silencieuse fondée sur la confiance.

L’anneau de fer sert de scène, de symbole et d’univers. Il évoque la roue du destin, les cycles du vivant, les trajectoires des astres. Il est aussi l’incarnation de la maîtrise : demeurer en équilibre au sommet d’un cercle, c’est accepter la ligne infime qui sépare la chute de l’envol. En plaçant sa cavalière et son cheval au cœur de cette géométrie parfaite, Artigas Planas crée une œuvre à la fois intemporelle et résolument contemporaine.

Le fer sombre contraste avec la lumière du bronze, accentuant l’impression de légèreté du duo. Ce jeu de matières devient métaphore : il traduit le dialogue entre la gravité et l’élévation, entre ce qui nous retient et ce qui nous pousse à nous élever. À travers Equus, l’artiste rappelle que le mouvement le plus libre naît souvent d’un point d’appui, d’une tension, d’une contrainte choisie — et que c’est précisément là que réside la beauté du geste.

Sculpture à poser, Equus insuffle dans un intérieur contemporain une présence aérienne, contemplative, capable d’apaiser autant que d’intriguer. Elle devient un centre silencieux, un point de respiration où l’œil se pose et où l’esprit voyage.

Acquérir Equus, c’est inviter chez soi un fragment de poésie en équilibre. C’est accueillir une métaphore du lien entre l’humain et l’animal, du mouvement partagé, de la confiance mutuelle. C’est offrir à son espace une œuvre qui parle de liberté maîtrisée, d’harmonie recherchée et de cette danse subtile entre force et légèreté qui caractérise les grandes œuvres d’art.